La reliance des différences

Juste il y a dix jours je me suis retrouvée un peu forcée à confronter les certitudes que je porte en moi, fruits non actualisés de mon passé,
et à faire la connaissance d’un jeune homme dont j’avais clairement peur juste en regardant son profil Facebook.
Il a une apparence dure, des tatouages sur le visage et sur le crâne, ces grosses boucles d’oreilles typiques des punks ;
ces personnes qui dans mon esprit semblent vouloir agresser par leur apparence la société toute entière, tout comme leur passé. C’est ce que je m’en dis.
Une des assistantes du festival, une chère une amie aussi, est sa compagne.
Elle me communique qu’il participera au festival.
Je vois que je me rigidifie seulement en voyant sa photo, en une seconde je m’imagine toute sorte de choses :
qu’il est violent, dangereux, bagarreur, drogué, j’en passe.
C’est un univers que je connais ce que lui représente pour moi,
je l’ai contourné, je l’ai vécu, avant de plonger dans ‘le monde spirituel ou’ j’ai pris refuge’ comme une bouffée d’air pure et de nouveau possible, il y a plus que 20 ans.
J’ai envie de lui dire non, je lui en veux de me mettre dans cette position qui me confronte tout droit à mes projetions, mémoires, préjugés.
Et me confrontant à ma quête d’une synthèse entre mon besoin de prendre soin de ma vulnérabilité, de ma sécurité, et d’agir ce que je ressens juste au fond de moi,
et qui souvent me demande un stretch, un élargissement inconfortable.
Et tout ça teinté de l’envie de me croire simplement dans la raison, c’est plus rapide.
Une toute petite partie de moi accepte ou bien se sent coincée à accepter le défi.
Or, cet homme ne ressemble vraiment pas au cliché de la « personne spirituelle » et le festival prévoit la participation de 70 personnes « spirituelles ».
En plus, il ne connait pas vraiment cet univers, je n’ai aucune idée de comme il pourrait réagir.
C’est juste clair comme le cristal que son apparence éveille des peurs enfouies en moi,
Particulièrement la peur de l’agression de la violence.
Echo de mon histoire.
Je dis à mon amie qu’au moindre comportement violent je lui demanderai de quitter l’espace.
Elle dit que c’est complétement entendu et entendable.
Je rencontre cet homme la veille du festival.
Comme dans mon imaginaire son image – et tout ce que j’y projette- m’effraie,
je passe la soirée à me tenir à une distance de sécurité ;
il a peur de ne pas être accepté, j’ai peur que cela le fasse exploser.
Je l’observe et il m’observe, on prend les mesures.
On est des animaux après tout.
Petit à petit des espaces s’ouvrent, il vient me parler plusieurs fois, il cherche une connexion, à se faire connaître ; cela me touche, son courage au-delà de sa peur du rejet, de percer la défense autour de ma peur.
En lui parlant je m’observe assez rapidement sortir de l’idée que je lui ai collé, de ce que je crois être lui, grâce au ressenti de ce que est vraiment présent, au-delà de ma pensée qui continue sans cesse de projetter le passé sur le présent ; il est une évidence le ressenti qu’en face de moi il y a un être humain sensible, attentif, vulnérable, courageux… et ouvert.
Je me dis que cela ne doit pas être simple, de se retrouver avec 70 personnes qui semblent si lointaines de ce que lui semble être, dans un univers si étranger de ce que facilement on imagine être le sien.
Je me demande si j’aurais eu ce courage moi ? Si je serais allée seule à un rassemblement de 70 punks, ou bien dans un rassemblement des banquiers de la BNP…
Je ne crois pas.
Je crois que je suis encore trop chargée de préjugés, et trop de peurs de ce qui apparait si différent.
Cela me touche, et m‘inspire.
D’ailleurs, l’idée porteuse du festival, était la reliance des mondes.
C’était vraiment cela que je voulais proposer :
pouvoir faire de la place pour la coexistence de la différence, intérieure, extérieure.
Bah ce petit bonhomme était le principe d’incarnation de ce qui facilement serait bien resté un beau concept désincarné.
Je l’ai vu se mesurer avec ses peurs, ses freins, oser sa vulnérabilité et ses larmes dans les cérémonies, les constellations, la danse ;
tout cet univers étranger et demandant aussi en quelques sortes.
Je l’ai vu vivre des expériences directement, sans la pile de concepts pour rassurer son mental.
Je l’ai vu aller vers, les bras ouverts, ces gens si différentes, ces gens bizarres qui se roulent par terre en criant par moments, qui décollent en extase avec sons et frémissements par moments, qui boivent le cacao et parlent à son esprit, qui chantent avec les dauphins, et qui se regardent en silence dans les yeux pour se rencontrer et pour rencontrer l’autre.
Je l’ai vu s’y immerger pour en vivre l’expérience et en tirer ses conclusions,
avec une simplicité, une curiosité si respectueuse, si ouverte,
et un authenticité libre du personnage ;
car le punk est un personnage et le soi-disant éveillé qui ne veut rien avoir à voir avec le reste de cette société malade, des ces gens qui dorment, en est un autre.
Sans le vouloir, il a été pour moi un grand enseignant, il incarnait sans besoin de gloire ce que j’avais énoncé comme une aspiration, une invitation.
A la fin du festival,
Il m’a demandé ‘tu as encore peur de moi ?’,
on n’avait pas encore parlé de cela, de ma résistance à sa venue dont je découvre qu’il était parfaitement conscient.
Je crois qu’il a su voir au-delà de ma résistance mieux que moi-même.
Alors ça me semble précieux à partager.
Car je crois que de pouvoir remettre en question nos certitudes, l’habitude de nos interprétations, est une clé fondamentale pour créer de l’espace pour des nouvelles expériences.
De changer de perspective nous rend la liberté de choisir comment vivre une expérience qui se perd dans la sclérose de nos répétitions.
Combien de fois nous interprétons sans même s’en apercevoir le comportement d’un autre, et nous donnons pour escompté que cela soit ‘la vérité’ ?
Et non pas juste notre façon de voir. Une façon de voir parmi une infinité possible.
Parfois de se déplacer dans cette incertitude, dans ce doute au sujet de notre perception, est tellement fertile… et c’est aussi la seule façon d’accéder à une expérience différente.
On me demande souvent « comme je peux distinguer mon intuition de mon filtre perceptif cristallisé ? »
Comme d’habitude, il n’y a pas de recette magique : ça demande une grande honnêteté envers soi de ne pas croire à tout ce que l’on pense, ça demande de laisser un moment le besoin d’avoir raison.
Puis une piste pour moi précieuse, est de repérer la familiarité de mes interprétations, leur ‘récurrence’ :
si c’est ma façon habituelle de voir, si ça revient encore et encore, c’est peut être un bon red flag ( un signal d’alarme) que peut être cela m’appartient à moi d’abord plutôt qu’au réel que je perçois. Bien sûr qu’après, ma façon de voir est facilement reconfirmée par mon expérience du réel, c’est là la boucle.
Parfois c’est une possibilité nouvelle qui est là où on s’y attend le moins.
Parfois juste douter de ses certitudes c’est tout ce qu’il faut pour ouvrir un espace d’amour en soi, à côté de la peur.
Avec amour,
Ilaria

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